Derrière la façade d’une main-d’œuvre adaptable et réactive, le secteur de l’intérim dissimule une réalité inquiétante : un taux d’accidents du travail significativement plus élevé que la moyenne nationale. En 2019, l’indice de fréquence des accidents du travail dans l’intérim atteignait 63,4 pour 1 000 salariés, soit près du double de la moyenne toutes branches confondues. Cette statistique alarmante interpelle les acteurs du monde de l’entreprise, et plus particulièrement les DRH et les chefs d’entreprise, qui ont une responsabilité cruciale dans la protection de la santé et de la sécurité de leurs collaborateurs, qu’ils soient permanents ou intérimaires.
Des failles systémiques
L’étude approfondie de Barlet et al. (2022) révèle des lacunes profondes dans les dispositifs actuels de prévention des risques professionnels dans le secteur de l’intérim. L’enregistrement des accidents du travail par la CNAM-TS, bien qu’essentiel, ne permet pas d’appréhender la diversité des situations de travail auxquelles sont confrontés les intérimaires. Le suivi médical, souvent réduit à la portion congrue, se limite bien souvent à de simples visites d’embauche, sans véritable prise en compte des risques spécifiques liés aux missions effectuées. Enfin, les actions de prévention mises en place par les entreprises de travail temporaire, bien que louables, se heurtent parfois à la dure réalité des objectifs commerciaux.
La relation triangulaire, un défi pour la prévention
Au cœur de cette problématique se trouve la complexité inhérente à la relation triangulaire qui caractérise l’intérim. Intérimaire, entreprise de travail temporaire (ETT) et entreprise utilisatrice forment un triangle aux responsabilités parfois floues en matière de prévention. Cette configuration peut conduire à une dilution des obligations, chaque acteur étant tenté de se retrancher derrière les autres en cas d’accident.
La coresponsabilité, une nécessité encore trop théorique
La notion de coresponsabilité entre ETT et entreprises utilisatrices, bien qu’inscrite dans la loi, peine à se traduire concrètement sur le terrain. Les entreprises utilisatrices, qui ont pourtant un rôle déterminant à jouer dans la prévention, restent trop souvent à l’écart des démarches de prévention. Il est urgent de renforcer leur implication et de favoriser une véritable collaboration entre tous les acteurs.
L’impact économique et humain des accidents du travail
Au-delà de la tragédie humaine que représente chaque accident, les conséquences économiques pour les entreprises sont considérables. Arrêts de travail, indemnités, perte de productivité, atteinte à l’image de marque… Les coûts directs et indirects peuvent peser lourdement sur la rentabilité d’une entreprise. Investir dans la prévention, c’est donc non seulement protéger les travailleurs, mais aussi préserver la santé financière de l’entreprise.
Un changement de paradigme nécessaire
La santé au travail dans l’intérim ne peut plus être considérée comme une simple variable d’ajustement. Il est temps d’adopter une approche proactive et globale, fondée sur la coresponsabilité et la collaboration. En tant que décideurs, vous avez le pouvoir d’initier ce changement. En encourageant la communication, la formation et la coopération entre les différents acteurs, vous contribuez à créer un environnement de travail plus sûr et plus sain pour tous, tout en renforçant la performance et la durabilité de votre entreprise. L’intérim, s’il est bien encadré, peut être un atout pour votre flexibilité opérationnelle. Ne laissez pas la précarité sanitaire entacher cette opportunité.
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